Les « tombes pour les victimes de la guerre et de la tyrannie » au Westfriedhof (cimetière de l’Ouest)

1Carré pour les victimes de guerre civiles et militaires allemandes 2 Carré pour les victimes allemandes et étrangères du national-socialisme 3 Carré pour les prisonniers de guerre étrangers 4 Carré pour les victimes d’exécution à la prison de Klingelpütz 5 Tombes des « personnes déplacées »


Avec ses quelque 3 800 tombes de guerre, le Westfriedhof est l’un des principaux lieux de Cologne à honorer la mémoire des victimes de la guerre et du national-socialisme. La plupart d’entre elles ont trouvé la mort entre 1939 et 1945 sur le territoire de la ville de Cologne. Ces sépultures de guerre ont été aménagées après 1945 et jusque dans les années 1960. Deux grands carrés et un espace plus petit, où la plupart des enterrements des victimes de la guerre et du national-socialisme avaient déjà lieu avant 1945, ont ainsi vu le jour : le carré pour les victimes de guerre civiles et militaires allemandes, le carré pour les victimes allemandes et étrangères du national-socialisme et le carré pour les prisonniers de guerre étrangers. Ces sépultures sont protégés en vertu de la « loi sur la préservation des tombes des victimes de la guerre et de la tyrannie » promulguée en 1952 puis reconduite en 1965. Ils sont entretenus de manière durable aux frais de la collectivité.

Quelque 200 tombes de soldats allemands et de victimes de bombardements ont aujourd’hui disparu, probablement parce que leurs proches ont souhaité les inhumer en privée. Plus de 800 sépultures de victimes du national-socialisme allemandes et étrangères ont elles aussi été détruites. Ces dernières n’ont pas été retenues lors du dressage des listes des tombes de guerre et de l’aménagement des cimetières pour différentes raisons. A elles viennent s’ajouter également de nombreuses victimes d’exécutions dans la prison de Klingelpütz ainsi que des « personnes déplacées » (travailleurs forcés, prisonniers de guerre et prisonniers des camps de concentration libérés en 1945). Vous trouverez des informations sur les victimes de guerre ou du national-socialisme enterrés dans les cimetières de Cologne sur www.kriegsgraeber.nsdok.de. Vous obtiendrez également d’autres renseignements à ce sujet aux emplacements indiqués sur le plan d’orientation.

1 Carré pour les victimes de guerre allemandes

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1 Carré pour les victimes de guerre civiles et militaires allemandes 2 Carré pour les victimes allemandes et étrangères du national-socialisme 3 Carré pour les prisonniers de guerre étrangers 4 Carré pour les victimes d’exécution à la prison de Klingelpütz 5 Tombes des « personnes déplacées »


© Ville de Cologne, Service d’entretien des paysages et des espaces verts

Entre juin 1940 et l’invasion des Américains dans les quartiers de Cologne situés sur la rive gauche du Rhin le 6 mars 1945, plus de 1 500 civils allemands victimes de bombardements sont enterrés dans ce cimetière. D’autres inhumations ont lieu après 1945, de telle sorte qu’aujourd’hui, 1 894 tombes au total sont répertoriées dans les listes des sépultures de guerre. Les assauts de grande envergure sur Cologne, inaugurés le 31 mai 1942 avec le « raid des mille bombardiers », provoquent la mort de plus en plus de civils. Elles posent également des problèmes d’ordre logistique au régime national-socialiste. Afin de dégager et d’inhumer le plus rapidement possibles les blessés ou les cadavres enfouis sous les décombres, des prisonniers du camp de concentration de Buchenwald sont utilisés en renfort des unités allemandes.

En 1943, en raison de la destruction grandissante de la ville et du nombre croissant de victimes, le régime lance une offensive de propagande afin de préserver la loyauté de la population. Dès lors, les victimes de guerres civiles doivent elles aussi être désignées, à l’instar des soldats allemands, comme étant « tombées ». Des cérémonies sont mises en scène dans le centre-ville et les cimetières pour « inhumer les victimes tombées » afin de resserrer les liens entre le « front » et le « front intérieur ». Mourir sous les bombardements est alors considéré comme un « sacrifice » pour la patrie afin de renforcer la solidarité au sein de la « communauté du peuple ». Après la fin de la guerre, l’aménagement du cimetière a été parachevé dans le style des cimetières de guerre instauré dès les années 1920 par le « Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge », le Service pour l’entretien des sépultures militaires allemandes. L’installation monumentale et symétrique est agencée en direction d’une croix haute symbolisant la consolation chrétien tandis que la forme des pierres tombales s’inspire de la « croix de fer », une décoration militaire récompensant la bravoure des soldats.

Vue du cimetière, vers 1961/2. © Ville de Cologne, Conservateur de la ville

Suite à l’aménagement du cimetière, de nombreux transferts de tombes sont effectués vers d’autres cimetières. Des inhumations supplémentaires ont également lieu dans l’espace situé à droite de la croix haute. Il s’agit de victimes civiles de bombardements qui avaient tout d’abord été enterrées dans des sépultures privées ainsi que de victimes de bombardements dont les corps ont été dégagés des décombres seulement après la fin de la guerre. Une centaine de soldats allemands sont eux aussi enterrés dans ce cimetière après la fin de la guerre. Il s’agit pour la majorité d’hommes condamnés par la justice militaire national-socialiste et exécutés dans la prison colonaise de Klingelpütz ou au stand de tir de Cologne-Dünnwald.

Ossip Zadkine, „Les Prisonniers“, érigée en 1959. Photographie de 1964. © Ville de Cologne, Archives photographiques de Rhénanie 114072

Devant ce carré se trouve une sculpture d’Ossip Zadkine (1890 Vitebsk – 1967 Paris), un peintre et sculpteur qui a vécu en France à partir de 1910 puis en exil aux Etats-Unis entre 1941 et 1945. La ville de Cologne tente tout d’abord de se procurer une copie de l’une de ses œuvres les plus célèbres, à savoir la sculpture en bronze de 6 mètres 50 de haut intitulée « De verwoeste Stad » (« La Ville détruite ») et érigée à Rotterdam en 1953 pour commémorer la destruction de la ville en 1940 par la « Luftwaffe », l’armée de l’air allemande. Mais la ville de Rotterdam et l’artiste s’opposent à ce qu’une copie de cette sculpture soit érigée dans une ville allemande. La ville de Cologne fait donc l’acquisition en 1959 d’une copie de la sculpture intitulée « Les Prisonniers ». Celle-ci a été réalisée par Zadkine en 1943 à New York en référence aux souffrances endurées par la population française sous l’occupation allemande.

2 Carré pour les victimes allemandes et étrangères du national-socialisme

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1 Carré pour les victimes de guerre civiles et militaires allemandes 2 Carré pour les victimes allemandes et étrangères du national-socialisme 3 Carré pour les prisonniers de guerre étrangers 4 Carré pour les victimes d’exécution à la prison de Klingelpütz 5 Tombes des « personnes déplacées »


Depuis le mois de février 1943, un terrain situé derrière le centre de compostage du cimetière de l’Ouest est utilisé comme « cimetière des étrangers ». Jusqu’alors, les travailleurs civils étrangers décédés étaient inhumés entre les défunts allemands dans la partie nord-ouest du cimetière.

L’aménagement d’un carré séparé découle vraisemblablement d’une disposition émanant du poste de police d’Etat de Cologne. Pour cela, elle réquisitionne un terrain appartenant au cimetière juif voisin. L’office régional du travail de Rhénanie, qui gère un « camp de rassemblement de malades » à Cologne-Gremberg, a lui aussi joué un rôle dans cette décision. En effet, les défunts en provenance de ce « camp mouroir » sont eux aussi enterrés dans ce cimetière.

A l’époque national-socialiste, le carré est composé de deux espaces. D’un côté, le « cimetière des Slaves », où sont inhumés les travailleurs forcés originaires de la Pologne et de l’Union soviétique occupées. De l’autre, un espace réservé aux ressortissants d’Europe de l’Ouest, parmi lesquels les « Romans » (Français et Wallones), les Italiens et les « Germains » (Flamands et Néerlandais). Cette répartition correspond à la hiérarchie raciste des nationaux-socialistes pour les différents « peuples ». Les « Slaves » sont en effet considérés de manière générale comme des « sous-hommes » avec lesquels la population "aryenne" doit éviter tout contact.

La plupart des hommes, femmes et enfants enterrés dans le « cimetière des étrangers » ne sont pas venus s’installer de leur plein gré dans le Reich allemand mais ont été réquisitionnés pour le travail forcé. Les « Slaves », en particulier, sont surveillés de très près par la Gestapo et souffrent d’une mauvaise prise en charge. Pour cette raison, le nombre de décès ne cesse de croître pendant la guerre. En outre, les travailleurs forcés avec un insigne « P » (pour Pologne) ou « Ost » (Est) sur leurs vêtements ne sont pas autorisés à se réfugier dans les abris durant les bombardements.

Vue de l’avant-cour du carré pour les victimes du national-socialisme avec vue sur la Pietà de Kurt Lehmann, photographie de 1969. © Ville de Cologne, Archives photographiques de Rhénanie 79913

L’avant-cour se présente sous la forme d’un espace clos par des murs en béton attirant le regard à la fois sur une œuvre d’art et sur les cimetières situés derrière. La « Mère à l’enfant mort » réalisée par Kurt Lehmann (1905 Coblence – 2000 Hanovre) en 1962 et placée ici en 1964 s’inscrit dans la tradition picturale de la Pietà, la Vierge Marie pleurant son enfant Jésus-Christ qu’elle tient dans ses bras. Avec un bouleau et les trois pins plantés à l’origine, cette pièce devait inviter à la réflexion et à la commémoration.

Heribert Calleen, « Adolescents dans la fournaise », photographie de 1969. © Ville de Cologne, Archives photographiques de Rhénanie 79906

Erigée en 1968, cette sculpture signée Heribert Calleen (1924-2017) marque la fin des travaux dans l’ancien « cimetière des étrangers ». En raison de la signification suprarégionale du lieu, cette œuvre est commandée et financée par le gouvernement fédéral en 1966. Ici aussi, c’est un motif chrétien qui a été choisi. En guise de punition, trois adolescents ayant refusé d’adoré la statue d’un roi babylonien sont livrés aux flammes – mais selon l’Ancien Testament, ils auraient survécu. En 1968, une description de la ville de Cologne explique que cette sculpture doit exprimer « l’intarissable soif de liberté de l’être humain ».

Depuis l’été 1943, le « cimetière des étrangers » sert aussi à inhumer les condamnés à mort par les tribunaux militaires et les tribunaux spéciaux du régime national-socialiste. A partir de 1944, les dépouilles de centaines de personnes tuées par la Gestapo dans la cour de la EL-DE-Haus – le bâtiment de la Gestapo situé en centre-ville – ou dans d’autres centres de détention sont enfouies ici de manière anonyme.

En janvier 1946, le gouvernement militaire britannique charge la ville de Colonne de planifier une « pelouse d’honneur » pour l’espace du « cimetière des étrangers ». De premiers mémoriaux sont érigés par des délégations polonaises et soviétiques. Des rescapés et en particulier l’« Association des persécutés du régime nazi - Confédération des antifascistes » s’engagent en faveur d’une commémoration nominative des victimes du national-socialisme.

Les transferts et ajouts de tombes, l’érection de pierres tombales, les plantations et l’aménagement d’allées donnent ainsi naissance à partir des années 1950 à quatre carrés séparés et dédiés chacun à des groupes de victimes différents. L’aménagement de l’ensemble a été terminé en février 1968.

Rédigées dans le style de l’époque, les inscriptions concises sur les pierres tombales prêtent en partie à confusion. D’autant plus que des transferts et des ajouts de tombes ont été effectués après la pose des pierres et que les chiffres indiqués ne correspondent plus à la répartition actuelle.

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© Ville de Cologne, Service d’entretien des paysages et des espaces verts

Lors de l’aménagement du cimetière en un espace « en l’honneur de la mémoire des victimes de la tyrannie et de la guerre 1939-1945 enterrés ici », l’ancien « cimetière des étrangers » est remodelé. En lieu et place des deux anciens cimetières dénués de pierres tombes tombales individuelles, quatre carrés voient ainsi le jour.

L’orthographe des noms sur les pierres tombes est souvent erronée, en particulier les noms des victimes étrangères. Par ailleurs, tous les noms de l’un des carrés sont écrits en alphabet cyrillique alors que des ressortissants polonais se trouvent parmi les victimes.

1 Victimes de différentes nationalités

Ici reposent / Deux cents personnes de nationalités différentes / Victimes de la tyrannie et de la guerre 1939–1945.

A l’époque nazie, ces cimetières sont utilisés pour enterrer les ressortissants des pays d’Europe occidentale. Il s’agit pour la plupart de « travailleurs de l’Ouest » originaires pour la plupart de Belgique, des Pays-Bas, de France et du Luxembourg. Si certains ont rejoint le Reich de leur propre gré, la majorité d’entre eux y a été contrainte. Des Italiens sont également inhumés ici. Tout d’abord considérés comme des alliés, ces derniers sont ensuite capturés en tant que « détenus militaires italiens » par les Allemands après la signature en septembre 1943 de l’armistice entre l’Italie et les alliés.

Entre 1945 et 1960, la plupart des défunts sont transférés vers leurs pays d’origine et aujourd’hui, seules 30 personnes enterrées avant la fin de la guerre reposent encore ici. Les quelque 170 autres corps proviennent d’autres tombes du Westfriedhof. La plupart sont de nationalité polonaise ou soviétique et plus de la moitié de ces personnes sont mortes après la libération de Cologne, souvent dans l’un des camps pour « personnes déplacées ».

2 Victimes de la Gestapo et de la justice national-socialiste

Ici reposent, en tant que victimes de la Gestapo, / Sept cent quatre-vingt-huit ressortissants de différents pays.

Ce n’est qu’après 1945 que cet espace est désigné comme « cimetière de la Gestapo ». Il s’agit en réalité de la seconde moitié du « cimetière des Slaves ». Entre le 17 juin 1944 et le 28 février 1945, 636 personnes au total sont enterrées ici. A partir de l’automne 1944, et en particulier dans la cour de la EL-DE-Haus, la Gestapo exécute des ressortissants d’Europe de l’Est, pour la plupart. C’est la raison pour laquelle un nombre disproportionné de victimes de la Gestapo reposent ici et cela explique que cet espace ait par la suite été rebaptisé « cimetière de la Gestapo ».

Après la fin de la guerre, d’autres victimes sont transférées ici, parmi lesquelles une trentaine de cadavres retrouvés dans la prison de Klingelpütz, dans la cour de la EL-DE-Haus, au département d’anatomie de l’université ou encore sous des décombres et dont on pense alors qu’il s’agit d’étrangers ou de victimes du national-socialisme. 150 urnes auparavant conservées non loin du dépôt sont également transférées dans ce cimetière. Ces victimes sont des prisonniers d’un camp annexe du camp de concentration de Buchenwald, d’un camp de la Gestapo situé au parc d’exposition ou encore de travailleurs forcés ayant trouvé la mort dans le camp de rassemblement de malades de Gremberg.

Tandis que dans les autres cimetières, une inscription avec les années « 1939–1945 » est ajoutée sur les pierres tombales, ce n’est pas le cas ici. Cela s’explique sans doute par le fait que quatre jeunes communistes condamnés à mort en 1933 lors d’un simulacre de procès sont transférés ici après 1945. Ce sont les seules victimes politiques du national-socialisme entre 1933 et 1939 à être enterrées à Cologne dans un cimetière de guerre.

Ce cimetière possède une autre particularité : l’absence de pierres tombales individuelles avec le nom des défunts. Cela pourrait laisser penser qu’il s’agit d’une fosse commune où que des cadavres non identifiés sont enfouis de manière anonyme. Ce n’est pourtant pas le cas. Il existe en effet un plan datant de 1954 et sur lequel les noms et la localisation des tombes sont indiqués. Il est également possible de déduire l’emplacement des victimes exécutées par la Gestapo et dont on ignore le nom.

3 Victimes de l’extermination national-socialiste des malades

Ici reposent / Cent seize victimes sans défense de la tyrannie et de la guerre 1939–1945.

Dans ce carré sont enterrés 72 hommes et 44 femmes âgés de 14 à 69 ans qui ont été assassinés en 1940 et 1941 dans le cadre de l’extermination national-socialiste des malades (« euthanasie »). La majorité d’entre eux vivaient en grande partie à Cologne. Plus de la moitié a été gazée au centre de mise à mort de Hadamar, près de Limburg, les autres dans les établissements de Bernbourg sur la Saale, Brandebourg-sur-la-Havel, Grafeneck et Sonnenstein.

Ces personnes ont été victimes d’un programme d’extermination confié à des médecins par Adolf Hitler en 1939 et mis en œuvre dans la plus stricte confidentialité et par le biais d’organisations créées pour servir de couverture. Le poste de commande de cette extermination des malades était situé au numéro 4 de la Tiergartenstrasse, à Berlin. Les victimes vivaient souvent dans des asiles avant d’être signalés à la « centrale T4 » comme étant « indigne de vivre «.

On mentait aux proches en leur transmettant de fausses informations au sujet du lieu d’internement et de la mort ainsi que sur les circonstances de cette dernière. Afin d’empêcher une enquête sur les circonstances de la mort, les victimes étaient incinérées immédiatement après leur décès. Sur demande et moyennant une taxe, il était possible d’obtenir une urne contenant les prétendues cendres de son proche disparu. En réalité, ces urnes ne contenaient jamais les cendres d’une victime précise. De nombreuses familles ont toutefois réclamé cette urne pour la placer dans le tombeau familial. Quand ce n’était pas le cas, les centres de mise à mort envoyaient les urnes directement aux cimetières des lieux de naissance. Les urnes étaient ensuite placées dans des monuments funéraires communs. Grâce à l’engagement de la sœur d’un homme assassiné à Hadamar, les noms des victimes de l’extermination des malades par les nationaux-socialistes ont été ajoutés à la liste des cimetières de guerre de Cologne. Ce carré ne représente toutefois qu’une partie de ce groupe de victimes estimées à plusieurs centaines pour la seule ville de Cologne. Les cimetières n’ont en effet pas demandé le transfert vers cet espace de toutes les urnes en provenance des centres de mise à mort.

4 Travailleurs forcés polonais et russes et leurs enfants

Ici reposent / Cinq cent soixante-trois hommes, femmes et enfants originaires de la CCCP / Victimes de la tyrannie et de la guerre 1939–1945.

Cet espace aménagé pour faire office « cimetière des Slaves » commençait au niveau de la partie arrière du site et est utilisé de février 1943 à juin 1944 pour l’inhumation de travailleurs forcés hommes et femmes adultes. Dans la partie située le long du mur sont enterrés des enfants de travailleurs forcés. Les victimes sont pour la plupart originaires des régions occidentales de l’Union soviétique occupées par l’Allemagne. L’inscription CCCR (abréviation russe de « Union des républiques socialistes soviétiques ») est cependant erronée puisqu’environ un tiers des personnes enterrées ici est de nationalité polonaise.

Environ la moitié des victimes ont trouvé la mort au « camp de rassemblement de malades » de l’Office régional du travail de Rhénanie situé à Cologne-Gremberg, un camp spécial aménagé au début de l’année 1943 et destiné à l’internement des travailleurs étrangers malades originaires d’Union soviétique et de Pologne jusqu’à ce qu’ils soient à nouveau aptes à la « mobilisation pour le travail ». Une grande partie des prisonniers a beau être atteint de la tuberculose, du typhus ou d’autres maladies infectieuses, ils ne reçoivent quasiment aucun soins médicaux.

Beaucoup des hommes, jeunes pour la plupart, ils meurent souvent au bout de seulement quelques jours ou quelques semaines. Des femmes enceintes sont également internées dans ce camp de malades et contraintes d’accoucher sur place. A l’automne 1944, le nombre de décès est si élevé que les morts de Gremberg doivent être incinérés au crématorium du Westfriedhof pour économiser de la place.

Quasiment tous les enfants enterrés dans la partie du fond sont nés à Cologne dans l’un des nombreux camps de travail et sont morts quelques jours ou semaines seulement après leur naissance. Dans les actes de décès, on trouve souvent comme causes du décès « pneumonie », « tuberculose » ou encore « débilité ». Parmi les victimes se trouvent aussi des enfants en bas âge déportés à Cologne avec leurs mères ou leurs parents avant de mourir. Ces enfants n’étant pas considérés comme des victimes de la guerre, les tombes de ce type ont bien souvent disparu après 1945. Le cimetière des enfants morts ayant toutefois été aménagé comme fosse commune avant 1945, celui-ci a perduré sans que les noms des victimes ne soient pour autant ajoutés aux listes des tombes de guerre.

La pierre tombale avec l’étoile a été érigée juste après la guerre et porte l’inscription

Здесь похоронены /
728 Русских военнопленных /
И рабочих замученных /
Немецкими фашистами /
С 1941 г. По 1945 г. /
Памятник поставили /
Русские товарищи

(Ici sont enterrés /
728 prisonniers de guerre et travailleurs /
Russes martyrisés /
Par les fascistes allemands /
Entre 1941 et 1945 /
Ce mémorial a été /
Erigé par des camarades russes).

 
Une deuxième pierre portant l’inscription

Вечная памать /
Советским гражданам /
Жертвам фашизма

(Mémoire éternelle /
Pour les citoyens russes /
Victimes du fascisme)

a été érigée dans les années 1970 par l’ambassade d’Union soviétique.

3 Carré pour les prisonniers de guerre étrangers

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Depuis le début de la guerre, environ 330 soldats appartenant aux armées ennemies du Reich allemand national-socialiste sont enterrés dans l’allée W sur différentes divisions. Ils sont originaires de Pologne, d’Union soviétique, de France, de Belgique et des Etats-Unis.

Les premiers prisonniers de guerre à avoir été inhumés ici sont des soldats de l’armée polonaise. Ils ont été déportés à Cologne au début du mois d’octobre 1939, soit un mois à peine après l’invasion de la Pologne par la Wehrmacht, le 1er septembre 1939, puis cantonnés dans un camp de prisonniers de guerre situé sur le site de la foire de Cologne afin d’être réquisitionnés pour le travail forcé. Jeunes pour la plupart, les hommes enterrés dans la division 81 sont morts de maladies qui laissent présumer que leurs conditions de détention étaient misérables.

Le groupe suivant se compose de prisonniers de guerre français capturés par les Allemands après l’invasion de la Wehrmacht en France à partir de mai 1940. Nombre d’entre eux trouvent la mort dans les hôpitaux militaires de réserve de Cologne-Nippes ou Cologne-Hohenlind des suites de blessures subies au combat. Ces soldats français ainsi que quelques Belges sont enterrés dans la division 90.

La division 81a abrite le plus grand groupe à avoir été enterré ici. Il s’agit de quelque 140 prisonniers de guerre soviétiques déportés après l’assaut de la Wehrmacht en Union soviétique le 22 juin 1941. Après avoir survécu aux hécatombes dans les camps de rassemblement souvent aménagés à ciel ouvert, ils sont déportés dans le Reich allemand en vue d’effectuer du travail forcé.

Pour terminer, il convient de citer ici un groupe d’une cinquantaine de pilotes américains qui se sont écrasés lors de bombardements et dont les corps ont été retrouvés sous les décombres ou bien qui sont décédés à Cologne des suites de leurs blessures. Ils ont été enterrés dans la division 90a.

Sur les quatre divisions pour prisonniers de guerre étrangers, seules deux existent encore aujourd’hui. Les soldats américains ne devant pas, de manière générale, être inhumés sur territoire ennemi, leurs dépouilles ont en effet été transférées vers des cimetières situés hors des frontières allemandes en avril 1946. Quant aux corps des soldats français, la majeure partie d’entre eux a été rapatriée vers la France tandis que quelques autres ont été transférés vers le carré dédié aux victimes du national-socialisme.

Aujourd’hui, il reste ainsi la division pour les prisonniers de guerre polonais où ont été transférés à la fin de la guerre quelques ressortissants polonais qui avaient été enterrés dans le « cimetière des étrangers ». Quelques Polonais qui ont trouvé la mort à Cologne après la libération ont également trouvé ici leur dernière demeure et cette division abrite maintenant 43 hommes et deux femmes.

La division des soldats soviétiques a lui aussi été conservé sans qu’aucune inhumation supplémentaire n’ait toutefois eu lieu après la fin de la guerre.

Vue du carré pour les prisonniers de guerre polonais au Westfriedhof, 1945. © Centre de documentation sur le nazisme de la ville de Cologne, Bp 3767

Peu de temps après la fin de la guerre, d’anciens travailleurs forcés polonais qui vivaient dans la caserne d’Etzel, un camp pour « personnes déplacées » situé à Cologne-Junkersdorf, font ériger un monument commémoratif ainsi que des pierres tombales individuelles. Le monument porte les noms et les dates de naissance et de morts des victimes ainsi que l’inscription suivante :

« Tu spoczywaja zolnierze polscy / ufundowalo spoleczenstwo polskie obozu Etzel 1945 » (Ici reposent des soldats polonais / Don du peuple polonais du camp d’Etzel 1945).

Sur le carré pour les prisonniers de guerre soviétiques se dressent deux monuments commémoratifs. La pierre travaillée en granit gris et ornée d’une croix a été érigée juste après la fin de la guerre et porte l’inscription : Здесь похоронено / 137 Советских граждан погибших / В фашистской неволе / В 1941–1945 (Ici sont inhumés / 137 citoyens soviétiques morts / En captivité fasciste / 1941–1945). La pierre en granit rouge a quant à elle été probablement dressée dans les années 1970 à l’initiative de l’ambassade d’Union soviétique. Elle porte l’inscription : Советским гражданам / Жертвам фашизма (Aux citoyens soviétiques / Victimes du fascisme).

4 Carré pour les victimes des exécutions à la prison de Klingelpütz

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De 1933 à 1945, la prison colonaise de Klingelpütz joue un rôle de premier plan en tant que lieu d’exécution. Entre 1 000 et 1 200 condamnations à mort sont exécutées ici sur ordre des tribunaux spéciaux nationaux-socialistes de Rhénanie, Westphalie et du Luxembourg, alors occupé, ainsi que du Volksgerichtshof (« tribunal du peuple ») de Berlin, du Reichsgericht (« tribunal du Reich ») de Leipzig et de tribunaux militaires nationaux-socialistes. La plupart des exécutions ont lieu dès le début de la guerre.

D’après ce que nous savons aujourd’hui, environ un quart voire même un tiers de l’ensemble des personnes exécutées à la prison de Klingelpütz sont enterrées au Westfriedhof de Cologne. Un nombre à peu près équivalent de corps est remis aux instituts d’anatomie des universités de Cologne, Bonn et Münster à des fins de formation. A la demande des proches des victimes allemandes et à condition qu’ils se déclarent prêts à prendre les frais en charge, une inhumation dans des sépultures privées était également possible.

Les personnes exécutées sont des victimes des tristement célèbres « procès courts » et d’une justice dont l’objectif consistait à dissuader par la peur et à « épurer » la « communauté du peuple ». De nombreux délits non politiques, parmi lesquels des actes de petite délinquance, sont ainsi sanctionnés par la peine de mort. Les accusés ne disposent d’aucun recours légal. Cette iniquité national-socialiste aura par exemple comme victime une femme de 46 ans accusée d’avoir volé le 31 mai 1942, après les bombardements sur Cologne, une valise pleine de vêtements retrouvée dans les décombres.

Un important groupe des personnes inhumées dans l’allée U du Westfriedhof sont des victimes des directives « Nuit et brouillard », non moins tristement célèbres. Arrêtées aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg et en France, ces personnes ont ensuite été déportées en Allemagne, condamnées, assassinés puis enterrées de manière anonyme sans que leurs proches ne soient informés. Un autre groupe important est formé de soldats de la Wehrmacht accusés de désertion, de « Wehrkraftzersetzung » (démoralisation des troupes) ou d’autres délits et condamnés à mort par les tribunaux militaires nationaux-socialistes.

Timbre commémoratif pour Maurice Ripoche (1895-1944), exécuté le 20 juillet 1944 à la prison de Klingelpütz et inhumé anonymement au Westfriedhof. © Centre de documentation sur le nazisme de la ville de Cologne, N 2197

Né à Paris, Maurice Ripoche, participe à la Première Guerre mondiale en tant que jeune pilote. Après l’occupation de la France par la Wehrmacht, il fonde le groupe de résistance « Ceux de la Libération » (CDLL) composé majoritairement d’officiers de l’armée de l’air française. En 1943, il est arrêté par la Gestapo, déporté en Allemagne puis assassiné. En 1948, ses proches font transférer sa dépouille mortelle à Paris, dans la tombe familiale. Ce timbre commémoratif fait partie d’une série de 23 timbres en l’honneur des « héros de la Résistance » publiés par la poste française entre 1957 et 1961.

L’inhumation des victimes de la prison de Klingelpütz s’est déroulée anonymement entre janvier 1939 et septembre 1943 dans un espace à part dans l’allée U, après jusqu’à septembre 1944 situé sur la division 65 de l’allée R et les divisions 4 à 6 de l’allée B. Ces sépultures ont aujourd’hui disparu.

A la demande de leurs gouvernements, les dépouilles mortelles des victimes d’exécution d’Europe de l’Ouest ont été transférées vers leur pays d’origine peu après 1945. Les tombes des victimes allemandes des tribunaux spéciaux nationaux-socialistes ont quant à elles été aplanies après l’expiration du délai de concession de 20 ans. Ils n’étaient toujours pas considérés comme des victimes de l’iniquité national-socialiste mais comme de simples « délinquants » condamnés à mort à juste titre. Seuls quelques-uns d’entre eux ont été transférés vers des sépultures privées voire dans des cimetières de guerre.

Le pasteur de prison Johannes Kühler (à gauche) avec un prêtre catholique, un inspecteur de prison et un gardien de cimetière lors de l’enterrement d’un exécuté au Westfriedhof, après octobre 1941. © Centre de documentation sur le nazisme de la ville de Cologne, Bp 5429

Les exécutions qui ont lieu à la prison de Klingelpütz sont quasiment toutes réalisées avec une guillotine. Sur le chemin conduisant à la mort, les victimes peuvent être accompagnées par des aumôniers. Aux côtés du pasteur protestant Johannes Kühler, Heinrich Gertges se charge de cette tâche pour une grande partie des prisonniers catholiques. Kühler et Gertges tiennent des registres avec les noms des personnes exécutées afin de pouvoir informer les familles et communiqueront après 1945 des informations au sujet des événements survenus à la prison de Klingelpütz.

5 Tombes de « personnes déplacées »

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1 Carré pour les victimes de guerre civiles et militaires allemandes 2 Carré pour les victimes allemandes et étrangères du national-socialisme 3 Carré pour les prisonniers de guerre étrangers 4 Carré pour les victimes d’exécution à la prison de Klingelpütz 5 Tombes des « personnes déplacées »


Après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, environ 150 enfants, femmes et hommes sont enterrés au Westfriedhof. Ces personnes sont d’anciens travailleurs forcés, prisonniers de guerre ou détenus de camps de concentration qui ont été libérés. Elles font partie d’un groupe de 50 000 à 60 000 déportés pris en charge en mai 1945 par les alliés à Cologne et dans la région.

Ces « personnes déplacées » (« displaced persons » - DP) sont fichées et soignées tout d’abord par les Américains qui ont libéré depuis le 6 mars la rive gauche de Cologne puis la rive droite à partir de mi-avril 1945 et s’occupent ensuite d’organiser leur retour dans leur pays d’origine.

Pour cela, des « camps de personnes déplacées » sont aménagés, comme par exemple dans une caserne de Cologne-Ossendorf, dans l’actuelle Butzweilerstrasse, pour les ressortissants soviétiques, ou bien dans la caserne Etzel de la Dürener Strasse, à Cologne-Junkersdorf, pour les ressortissants polonais. A partir d’avril, d’autres camps de personnes déplacées de grande taille voient le jour sur la rive droite du Rhin, à Cologne-Mülheim (pour les Polonais) et à Cologne-Dellbrück (pour les ressortissants soviétiques), par exemple. A partir de juin 1945, Cologne se trouve dans la zone d’occupation britannique et l’approvisionnement des personnes déplacées est alors confié à la Grande-Bretagne.

Les Français, les Luxembourgeois, les Belges et les Néerlandais sont les premiers à pouvoir rentrer dans leur pays d’origine. A la fin du mois d’août 1945, l’administration militaire soviétique rapatrie la quasi totalité des ressortissants soviétiques. Les DP de nationalité polonaise sont celles qui resteront le plus longtemps à Cologne, nombre d’entre elles préférant émigrer dans d’autres pays plutôt que de rentrer chez elles. Au printemps 1946, les derniers camps de DP de nationalité polonaise situés sur le territoire de la ville de Cologne sont à leur tour dissous.

Enfants et adolescents polonais libérés dans la caserne Etzel, après avril 1945 © Centre de documentation sur le nazisme de la ville de Cologne, Bp 21737

Travailleurs forcés soviétiques libérés à Cologne peu de temps avec leur retour dans leur pays, 20 août 1945 © Centre de documentation sur le nazisme de la ville de Cologne, Bp 21031

L’état de santé des étrangers libérés étant souvent mauvais, le gouvernement militaire oblige plusieurs hôpitaux de Cologne à accueillir en priorité les malades étrangers. Malgré cette mesure, de nombreuses personnes, souvent jeunes, meurent au cours des premiers mois après la fin de la guerre pour cause de malnutrition ou des suites de maladies infectieuses. La mortalité est particulièrement forte chez les nourrissons et les enfants en bas âge.

Les inhumations de DP ont lieu au Westfriedhof dans les allées A, D et M. Tandis que les dépouilles mortelles de Français sont transférées en France et celles des Italiens à Hambourg, la grande majorité des défunts – pour la plupart des ressortissants polonais et soviétiques – est restée au Westfriedhof. Au milieu des années 1960, nombre d’entre eux sont transférés dans le carré pour les victimes allemandes et étrangères du nazisme.

Cela n’a toutefois pas été le cas d’une quarantaine de nourrissons et d’enfants en bas âge de travailleuses forcées originaires de Pologne et d’Union soviétique qui ont été enterrés dans l’allée M de la division 42b. La plupart d’entre eux sont nés juste après la libération avant de mourir au bout de seulement quelques jours ou quelques semaines. Les enfants de travailleuses forcées n’étant pas protégés par la loi sur les cimetières de guerre, ces tombes ont été aplanies ou réutilisées une fois le délai de concession expiré.

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© Service d’entretien des paysages et des espaces verts / Centre de documentation sur le nazisme de la ville de Cologne, 2019
Conception et texte : Karola Fings